vendredi 20 novembre 2015

PLEXIGLAS, ALTUGLAS ET AUTRES TRANSPARENCES

L


J'ai connu des matins de miel,
des silences éternels aussi froids que les neiges...
des fleurs dans des coupelles.
J'ai vu des femmes mourir,
des matins sans avenir,
des chats courir dans des maisons en flamme.

Que deviennent les machines lorsqu'elles tombent en panne ?

Colère nuit
Ils existent des hommes sans colère,

des mots plus lumineux que des réverbères,
des larmes dans la poussière.
Il existe des soleils froids,
des balles qui sifflent autour de moi,
des escaliers en bois.

J'aime rire de la maladresse des pierres !

J'ai vu des pigeons sans plume,
des dents dans le bitume.
J'ai vu des soirs sans lune,
le noir,
le sang.

Où dort le sable lorsqu'il n'y a plus de lune ?

Ces images ne sont pas des mirages,
je n'ai pas soif,
je ne suis pas dans le désert,
je vis sur Terre,
et c'est la guerre,
toujours et encore !

J'ai vu des femmes à genoux,
des rues sans nom,
des arbres en feu.
Il existe des lacs gelés,
des sapins rouges,
des robes soulevées par le vent léger.
J'ai senti le parfum de la violette,
ton odeur sous la couette,
le cadavre d'un chouette.
J'ai croisé des milliers de visages,
traversé autant de villages,
mais je ne me suis jamais retrouvé.
J'ai soulevé des montagnes,
construis des châteaux en Espagne,
abattu des mats de cocagne,
jouer à « qui perd-gagne »...
mais jamais je n'ai dormi sous les étoiles,
jamais je n'ai porté le voile,
le deuil,
un cercueil.

Est-ce que ça hiberne un écureuil ?

J'ai connu des matins de plomb,
des femmes langoureuses,
la légèreté des bulles de savon.
J'ai oublié mon nom,
le jour et l'heure,
depuis que ce fusil mitrailleur,
a planté une balle dans ton cœur.
Je crie.
Je crie.
Je crie et tu ne m'entends pas !
Je suis vivant sur cette terre,
et pourtant, c'est la guerre,
partout, toujours et encore.

J'ai entendu les ronronnements des chats,
des pas sur les graviers,
des sanglots dans ta voix.
J'ai vu des bateaux éventrés,
des mégots écrasés,
des roseaux brisés.
J'ai blanchi des tableaux noirs,
affronté le désespoir,
croisé la mort.
J'ai poursuivi des fantômes,
des femmes élégantes et raffinées.
J'ai manqué de souffle,
manqué d'air,
manqué d'amour.

Pleure-t-il, l'enfant dans le ventre de sa mère ?

J'ai connu la colère,
ta mère,
ton père,
et une sorcière.
J'ai plongé dans les eaux du Gange.
J'ai dormi dans des granges.
J'ai été traqué.
Je me suis caché.
Je ne veux plus courir.
Que sifflent les balles,
un dernière fois,
je ne bougerais pas.
J'en ai assez d'être
vivant sur cette terre...
Que vienne la guerre,
partout, toujours et encore.

Par l'entrebâillement de ma vie,
Rêve 4
je vois des lumières qui vacillent,
des chevaux en flamme,
des morceaux de métal dans ma joue.
Par l'entrebâillement de ma vie,
je vois des lumières qui vacillent
sur la ligne d'horizon de mon âme.
Lucioles agitées,
plantées dans la frontière
entre le clair et l'obscure.
La vérité est là,
dans cette ligne tendue
entre le bien et le mal,
entre le visible et l'invisible,
entre le flou et le net,
entre la guerre et la paix,
entre la vie et la mort.

J'ai connu des matins de plume,
des soirées douces comme les seins d'une jeune fille.
Des myrtilles sous les dents...
Et le rouge est partout,
toujours et encore.

J'ai vu des cadavres de chien pourrir au soleil.
Des cravates en satin serrées des cous huileux;
Des lapins courir dans la plaine.
J'ai connu des marins saoul,
des langues étrangères,
des jours meilleurs.
J'ai tenu dans mes bras des filles faciles,
des vielles femmes édentées,
des bébés apeurés.
J'ai chanté L'Internationale,
La Carmagnole et Quisas quisas.
J'ai fait les quatre cent coups,
le con,
le mort...
Mais je suis vivant sur cette terre
et pourtant c'est la guerre
partout, toujours et encore.

N'y a t-il que les chinois qui puissent arrêter les chars ?

J'ai vu des soldats en arme.
J'ai vu des soldats en larme.
J'ai vu des soldats.
J'ai senti l'odeur de la poudre.
J'ai senti l'odeur de la foudre,
l'odeur du sang.
J'ai consolé des enfants.
J'ai recherché leurs parents.
Je n'ai trouvé que des tombes !
J'ai cassé des pierres,
embrassé des vipères,
senti leur langues fourchues sur mes lèvres.
J'ai attrapé la fièvre.

Est-ce que la mort fait peur au ruisseau ?

J'ai brûle des meubles,
fait sauté des immeubles.
J'ai mordu la poussière,
fais pleurer ma mère.
J'ai connu la peur,
le froid,
la misère...
Et je suis vivant sur cette terre.
Pourtant, c'est la guerre,
partout, toujours et encore.

J'ai ramassé des corps au milieu du désert.
A la nuit tombée,
je les ai brûlé.
Brasier d'enfer,
feu de tristesse,
odeur de mort.
Il existe des prairies fleuries,
des Hommes sans patries,
des regards sans vie.
J'ai dormi dans des cartons.
J'ai travaillé dans des mines de charbon.
Je n'ai jamais oublié ton nom.
Ils m'ont rasé la tête,
ils ont brisé mes lunettes.
Mon ventre a reçu des coups de crosse.
J'ai entendu leur rire
lorsque je gisais à terre, le corps meurtri.
J'ai relevé la tête.
Ils m'ont fait porté le chapeau,
le fardeau,
l'étoile jaune,
la croix sur mon épaule.

Le papillon porte-t-il des gants en hiver ?

J'ai relevé la tête...
j'ai vu le soleil,
libre  dans le ciel pur.
Il existe dans le silence des pierres,
un chant d'éternité.
Des hommes ont laissé des tâches de sang
sur les neiges éternelles.
Pourquoi monter si haut pour souffrir ?
Alors qu'en bas,
on peut vivre son dernier soupir,
d'un coup de feu,
d'un coup de machette,
d'un coup d'œil !

J'ai connu des frissons exquis.
J'ai ri aux larmes.
J'ai dit des conneries.
J'ai aimé des femmes de passage,
leur beauté pour tout bagage.
J'ai oublié l'horreur
en posant mes mains sur leur corps.
L'amour existe-t-il encore ?

Suis-je vivant sur cette terre,
malgré la guerre ?

J'ai vu des veines de haine
dans le blanc des yeux des Hommes.
J'ai dansé dans les volutes
Boxe
de fumée des charniers africains.
J'ai dormi sur des tombes,
sous les bombes,
sous les ponts.
J'ai caressé la peau bleue des femmes
après le passage des hommes,
léché leurs plaies,
pansé leur maux,
écouté leurs mots,
enregistré leur silence,
bu leurs larmes.

Les bougies, ont-elles peur du noir ?

J'ai acheté des fruits de la passion
à des marchands sans idéaux.
J'ai fouillé dans mes souvenirs
sans trouver mon nom.
Je cherche un refuge,
pour mon cœur transit de peur.
Un havre de paix,
pour mon cœur transit de peur.
Un nid douillet,
pour mon cœur transit de peur.
Un paradis,
pour mon cœur transit de peur...
Car ici, sur cette terre,
c'est l'enfer...
Car ici, sur cette terre,
c'est la guerre...
Partout, encore et toujours.

La solitude des fleurs
laisse indifférente la fourmilière.
Dans le silence qui s'écroule,
pleure la rose.
Qu'avez-vous fait de moi,
pour que je plante mes yeux dans la terre ?
Le fil est noué autour de mon cou...
Tire sur la corde.
Tire sur la corde,
pour faire monter le cerf volant.
Le ciel est un miroir
qui se brise au moindre coup de vent.
La soupe est chaude, mais,
le sourire est froid.
Touche ma joue,
pour sentir la brûlure
de mes tristes souvenirs.

Ne sommes-nous pas vivants sur cette terre ?
Et pourtant, c'est la guerre,
partout, toujours et encore.

La souffrance des pierres
fait rire la pluie.
Un coup de pied en l'air,
cabosse la certitude des étoiles.
Jamais, je n'ai vu de sang plus rouge
que celui des doutes.
J'irais à pied jusqu'à ma mort,
l'épuisement ne tuera pas ma volonté.
L'herbe des grandes plaines
n'a jamais été bleue !
Je m'allonge sous les arbres,
et juste avant de m'endormir,
je croque l'air.
J'aurai pu ne pas vous voir,
mais j'ai ouvert les yeux.
J'aurai pu oublié que je voyais,
mais alors je me serais menti.
J'aurai pu accepter ce mensonge,
mais il m'aurait étouffé.
J'aurai pu en mourir,
mais je vous ai vu !
Suis-je si vivant sur cette terre,
malgré la guerre,
partout, encore et toujours...
pour sentir vos peurs,
pour entendre vos cœurs,
pour entendre vos cris,
pour croiser vos regards ?

J'ai vu le soleil se laver les mains dans le sang .
Il existe des oiseaux qui volent contre le vent.
Il existe des trésors sous le crâne des éléphants.

J'ai vu des rats attaquer des enfants.
J'ai cherché des pansements,
des comptines,
des jouets,
des mamans.
Je n'ai trouvé que de la ficelle,
de la boue
et des dents.
J'ai mangé avec les vautours.
Toutes les viandes avariés n'ont pas le même goût !
Les gazelles, le goût de la liberté.
Les girafes, celui du ciel.
Les chats, celui de la solitude.
Les chiens ont le goût de l'errance.
Les baleines celui de l'espérance.
Les hommes celui de la mort...
car, sur cette terre,
c'est la guerre,
partout, toujours et encore !

Y-a-t-il de la lumière dans le couloir de la mort ?

A quoi ça sert de vivre,
si je n'ai pas le cœur à,
si je cours après le souffle,
si j'ai le goût de la mort dans la bouche ?
A quoi ça sert de vivre,
si j'ai la peur bleue,
si je ne tiens pas à ma peau,
si j'aime l'odeur de la terre ?
A quoi ça sert de vivre,
si l'air se fait rare,
si j'ai le couteau sous la gorge,
si je suis amoureux du vide ?
A quoi ça sert de vivre,
si je ne sent plus les morsures des loups,
si le silence est mon ami,
si le sourire a quitté mon visage ?
A quoi ça sert de vivre,
si l'acide est dans la pluie,
si mes mains ne caressent plus,
si le vent souffle dans mes veines asséchées ?
A quoi ça sert de vivre,
si le soleil ne revient pas ?

J'ai entendu le chant d'amour de femmes de ce monde.
J'ai dansé au rythme de leur silence.
La zèbre
J'ai léché le sel de leurs larmes.
J'ai ouvert mon âme à leur colère.
J'ai pleuré en entendant leurs cris.
Je voudrais être partout
où la violence zèbre l'ai de traits rouges.
Je voudrais,
par ma présence,
alléger la souffrance des opprimés.
Mais,
je ne suis qu'un vivant sur cette terre
et c'est la guerre,
partout, toujours et encore.

J'ai vu des oiseaux habillés de pétrole.
J'entendais dans leurs cris,
leur rêve de vol.
Il existe des désespoirs plus brûlant que l'alcool.
J'ai caressé leurs plumes,
leur prison pâteuse me collait aux doigts;
j'ai serré leurs corps contre le mien.
Leur nuit gluante est entrée en moi.
J'ai lavé leur souffrance avec ma salive.
Ma langue est devenue une ombre géante.
Un goût de mort dans la bouche...
encore et toujours.

J'ai vu des camions en feu
et des hommes hilares.
Il existe des nerfs de bœuf
qui laissent des traces bizarres
sur des peaux bleues
à force de cauchemars.
J'ai mangé la sciure des arbres
de la forêt amazonienne.
Mes larmes se sont mêlées
à ce nectar millénaire,
dans la cacophonie de tronçonneuses.
J'ai dormi dans la boue,
dans l'herbe,
sur des genoux.
J'ai vomi de la boue,
de l'herbe,
des cailloux.
Il existe des bonbons plus colorés
que des champs de fleurs,
des petits riens qui donnent du bonheur,
des gens qui ont tout et qui pleurent.

Est-ce qu'ils aiment la pluie les tracteurs ?

J'ai regardé béat les feux d'artifices
dans le ciel de Bagdad.
J'ai regardé béat la poussière
dans le ciel de New-York.
Il existe des soleils plats,
des lacs à l'envers,
des arbres sans feuilles.
J'ai vu des hommes sans racines,
Tombés à terre,
Les genoux dans la poussière,
Les mains jointes sur leur poitrine,
Le visage tourné vers le soleil,
Leur mâchoire mordant l'air.
J'ai couru avec les moutons dans les alpages.
J'ai embrassé les pétales de la violette.
J'ai humé l'odeur des sous-bois.
J'ai écouté les chansons du rossignol.
J'ai vécu sur cette terre,
Malgré la guerre,
Partout, toujours et encore.

Basta !
No Pasaran !*

(ajouté au texte original* après les attentats du 13 nov. 2015 à Paris, en hommage à toutes les victimes passées, présentes de la barbarie humaine. En hommage aussi aux résistants passés, présents et futurs... ne lâchons rien !)

*(extrait du recueil "j'attendrai que le soleil revienne",
textes de Franck DE RAEVE
Photos de Salomé CHARBONNIER
ed. Chemin Faisant, http://www.lesechosdecheminfaisant.com )

mardi 17 novembre 2015

CONVERSATION (UNE)

XLVIII

- Il est devenu lourd, lourd... lourd comme une enclume.
- Non ! Dans le langage populaire on dit, con, con comme une enclume.
- Alors, lourd comme une porte de prison ?
- Non, non et non ! on dit triste, triste comme une porte de prison.
- Plume peut-être ? Lourd comme une plume !
- C'est un non-sens ça. Léger comme une plume, voilà le vrai sens.
- Lourd comme l'éclair. Voilà, c'est bien ça.
- Non, dans les légendes on écrit, rapide comme l'éclair.
- Bon... et lourd comme un pinson, ça se dit  ?
- Hélas, non. C'est gai, gai comme un pinson.
- Merde ! lourd comme neige.
- Blanc, blanc comme neige.
- Lourd comme job.
- Ho, pauvre, pauvre comme job, exactement.
- Il est devenu lourd comme... comme... un ver...
- Que nenni. Nu, nu comme un ver.
- Je ne vois plus que vie. Lourd comme la vie.
- Ha ça, beaucoup de gens le pense mais à ma connaissance, personne ne l'a déjà dit ou écrit... oui ! Il est devenu lourd comme la vie. C'est beau ça.
- Oui et puis c'est con, triste, léger et rapide, gai mais pas trop, blanc parce que c'est écrit en noir, et puis pauvre et nu, dénudé et non dénué, dénudé de tout sens.
- Ouai, c'est bien pour une fin. Bravo!

mercredi 11 novembre 2015

ARMISTICE

XLVI

Hommage aux insoumis, aux objecteurs de conscience, aux déserteurs, à ceux qui ne veulent pas tomber sous les balles, au combat, à terre, dans la folie, dans la misère, dans la haine.
Hommage aux soldats de la paix,  aux résistants du monde entier et à ceux qui  leurs tentent la main.


mardi 10 novembre 2015

ELISABETH

XLV

Elisabeth voit la vie en rose.
Queen, Elisabeth, queen.

Ensemble,
On roule dans la fange.
On dit des cochoncetés.
On fume le foin de la grange.
On est fumé.
Elisabeth 1 (color FD)

Ensemble,
On fait de l'art.
Disciples de Bacon,
Mon pinceau dans son buvard,
On déconne.

Queen, Elisabeth, queen,
Voit la vie en rose.
Queen, Elisabeth couine.
Moi, je fais d'la prose.

Ensemble,
On joue au barbecue.
On souffle sur les braises.
On fait griller le loup,
Et on baise.

Ensemble,
On va voir Jeanne en prison.
On monte sur le buchet.
On maudit l'abbé Cauchon.
On s'fait griller.

Elisabeth 2 (color FD)Ensemble,
Queen, Elisabeth, queen,
Voit la vie en rose.
Queen, Elisabeth couine.
Moi, je fais d'la prose.

Ensemble
On ira à l'abattoir,
En se grattant la couenne.
On mangera notre sang noir,
On s'aime.

Queen, Elisabeth, queen,
Voit la vie en rose.
Queen, Elisabeth couine,
Moi, je fais d'la prose.
Queen Elisabeth,
Elisabeth couine.

(extrait du recueil "j'attendrai que le soleil revienne",
textes de Franck DE RAEVE
Photos de Salomé CHARBONNIER
ed. Chemin Faisant, http://www.lesechosdecheminfaisant.com )